Gens du Voyage : l’accueil indigne des aires

aire1.jpgA la périphérie des villes, il faut souvent suivre le panneau « déchèterie » pour découvrir les aires d’accueil des Gens du Voyage. Eux les appellent  des « terrains désignés » ou des « camps ». Elles en ont souvent tous les attributs : gardiens à l’entrée, grillage autour et généralement, grande pauvreté à l’intérieur.

« Ici, c’est le Moyen-âge, on n’a même pas d’endroit pour faire à manger », se désespère la jeune Kelly Adolphe au milieu de l’aire d’accueil de Dole. Sa famille circule dans le périmètre depuis plusieurs générations, « notre pays » dit-elle. N’ayant plus les moyens de voyager, ils cherchent maintenant à se fixer. Après plusieurs expulsions, ils sont revenus il y a quelques mois vivre sur une aire qui n’a d’accueillante que le nom : barrière et local poubelle à l’entrée, marquage au sol pour délimiter les emplacements, lampadaires qui n’éclairent pas la nuit et quelques blocs sanitaires posés sur le bitume. Dans les toilettes, plus aucune chasse d’eau ne fonctionne et seules trois douches sont utilisables. Et encore : « Elles ne ferment plus et on ne peut pas régler la température. Il n’y a que de l’eau chaude. On se crame ». Sans compter que les cabines ne sont pas équipées de chauffage pour l’hiver.

Payer pour des aires délabrées

Les conditions d’hygiène ne sont pas bonnes et c’est pour les enfants que la situation est la plus dure. Ils jouent à côté d’armoires électriques endommagées et dangereuses dans un terrain entouré de grillage et infesté de rats : « Ils ne sont même plus choqués quand ils en voient ». Ce traitement dégradant n’est pas gratuit. Chaque famille doit verser à peu près 70 € par semaine à la communauté de communes de Dole pour l’emplacement et la consommation d’eau et d’électricité. « Il n’y a pas de lumières, pas de sanitaires, et nous sommes censés payer pour ces services ? Ce sont des humains qui vivent ici, pas des chiens. Ils ont mis des millions pour la SPA juste à côté, rien pour nous », s’énerve un habitant qui refuse de « payer pour ça ». L’aire a bien fermé pour rénovation, mais « rien n’a été fait à part le local à poubelle et les traits par terre ».

aire2.jpgGeorge Reinhardt a l’allure d’un patriarche, il était de passage ce matin sur l’aire de Dole, « en touriste », pour voir sa famille et assister au pèlerinage du Mont-Roland. Il en vient à être « dégouté de reprendre la caravane » quand il voit de tels endroits. « On ne peut plus rouler avec la loi Besson, et s’il faut se déplacer pour se retrouver sur des endroits comme ça, on préfère encore rester où on est connu ». Même si la vie qu’il mène dans l’aire de Vesoul, où il est installé depuis quelque temps, n’est guère plus réjouissante : « Ils nous ont fait des beaux murs en béton. Pour nous protéger ? Non, je pense qu’on n’est pas beaux à voir… », nous raconte Viviane, sa compagne.

Si les aires étaient à la base destinées à être des lieux de passage, leur rareté les a transformées en lieux de résidence pour Voyageurs dans la misère. Parce qu’ils n’ont nulle part où aller, ils restent ici parfois plusieurs années, en se marginalisant et en s’enfonçant dans la pauvreté. Abandonnés de presque tous, il existe heureusement des personnes qui leur viennent en aide. Rémy Vienot, président de l’association Espoir et fraternité Tsiganes de Franche-Comté, a alerté les élus et la presse à propos des conditions de vie indignes subies par des dizaines de personnes sur l’aire de Dole. Ils ont finalement obtenu gain de cause puisque la grève des loyers et la médiatisation ont abouti à la fermeture de l’aire début juin. Les familles itinérantes sont reparties et une solution provisoire a été trouvée pour la famille Adolphe, qui a posé ses caravanes dans un champ appartenant à l'hôpital avec l'accord de la commune.

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Mais ces solutions ne sont pas pérennes et il existe bien d’autres aires dans un état lamentable. C’est le cas de l’aire de la Malcombe, à Besançon. « Ici, nos enfants jouent avec des cailloux et des morceaux de ferraille », lâche un père de famille autour de la table dressée sous l’auvent de sa caravane. Ses filles font du toboggan sur des panneaux de contreplaqués installés sur la butte qui cache les rails du futur tram. Le bitume, les rats, la dégradation des équipements, l’absence de point d’ombre et les remontées d’égouts sont quelques-uns des points communs avec l’aire de Dole. « C’est très dur l’été ». Eux sont là depuis 2006, ils paient 300 € par mois et par caravane et n’ont pas droit aux APL, la caravane n’étant pas reconnue comme habitat.

« Ici, les gens travaillent principalement dans la ferraille. Il n’y a pas beaucoup de commerçants », nous apprend Rémy Vienot. « Normalement, le temps de stationnement maximum est limité à trois mois, mais certains sont ici depuis 25 ans ». Malgré l’inhospitalité des lieux, les places deviennent chères. « Le nombre d’emplacements est passé de 60 à 22 quand ils ont déversé 80 tonnes de remblais sur une partie du terrain ». Presque toutes les places son accaparées par des résidents à long terme, rendant l’accueil des itinérants quasiment impossible.

En plus de supporter, tant bien que mal, des conditions qui seraient insoutenables pour tous les « gadjos », les habitants peuvent aussi se faire évacuer « sans préavis » de leur lieu de résidence, comme le permet le règlement intérieur de la Malcombe. La mairie annonce en octobre 2013 la fermeture exceptionnelle de l’aire, d’ici quinze jours, pour réaliser des travaux à la suite de dégradations. La commune ne se préoccupe pas du relogement et remercie les usagers de « chercher dès à présent une solution alternative de stationnement ». Cet été aussi, « pendant le Tour de France », l’aire a fermé un mois parce que la municipalité ne veut pas faire de travaux sans évacuer. « Et on va aller où ? », s’interroge une mère de famille. Cela ne sera pas le problème des élus.

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La solution des terrains familiaux

 « S’ils ne veulent plus de caravanes, alors qu’ils nous donnent des pavillons ou des terrains familiaux », demande une dame qui estime que sa communauté est complètement oubliée. Ce souhait est courant chez ceux qui aspirent à s’établir durablement ou qui veulent un terrain à eux pour l’habiter de façon semi-sédentaire. « On ne veut pas rester là, mais on n’a pas le choix », expliquent-ils. Beaucoup d’itinérants ont du mal à se voir en appartement, où ils auraient l’impression d’« étouffer », et les « pavillons » ou les « terrains familiaux » sont trop rares.

Ces programmes d’habitats collectifs intègrent au plan d’urbanisme la possibilité de conserver une caravane à côté d’une habitation en dur où des équipements sanitaires pour les terrains. Contrairement aux aires d’accueil, il ne s’agit pas d’équipements publics, mais d’habitats privés avec un contrat de location. Les collectivités territoriales peuvent bénéficier d’une subvention de l’État pour leur construction qui s’élève à hauteur de 70 % des dépenses, dans la limite de 15.000 € par place de caravane, pour les terrains familiaux. Elles ne se battent pas pour en construire.

Pour échapper à l’enfer des aires, une famille a posé ses cinq caravanes sur un terrain à la sortie de la ville. « On est là depuis 15-20 jours, c’est tranquille. Le proprio est passé nous voir, il a l’habitude, ça fait cinq ans qu’on vient ». Ils ont quitté la Malcombe parce que « c’était trop cher ». Ils avaient aussi des dettes et l’eau et l’électricité leur avaient été coupées. Ils se plaignent aussi des débordements : « c’était invivable, il y avait des coups de fusil certaines nuits, des pneus brûlés ou des courses de voiture ». Elle pointe certaines familles, connues pour « être mauvaises ».

Ils continuent de partir à la belle saison et vont bientôt voyager avec un grand groupe, ce qui facilite les stationnements. « J’aime bien être en mission en été et dans un petit coin en hiver », mais pour elle, « la vie de gitan, ce n’est pas terrible. On demande pour avoir une maison, c’est non, un travail, c’est non. Maintenant, il faut un diplôme même pour balayer. Même ceux qui en ont ne peuvent pas, alors nous qui ne savons ni lire, ni écrire... ».

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Cet article est tiré du dossier "Nomades d'aujourd'hui", publié dans Lutopik numéro 4. Ce magazine papier fonctionne sans publicité ni subvention et ne peut continuer d'exister que grace à ses lecteurs. Si vous appréciez Lutopik, vous pouvez vous abonner, commander un exemplaire (rendez-vous ici) ou nous faire un don.

Commentaires

et moi pourquoi i me donne pas un lopin ? et moi et moi ? 25 ans au même endroit on comprend que ça s'est salement dégradé , dans les relations aussi ! c'est à qui de sentir la fin de l'ethno corporatisme . Touriste même au tarifs social ça eut été un métier , mais comme disent les huiles la France a changé et il y a beaucoup de temps perdu à le faire comprendre , et encore plus aux concurrents qui parlent mal le français .

Pour parler bien français , il faut aller à l école et être instruit comme le font beaucoup de voyageurs . Mais à l 'ecole , il faut trouver l 'enseignant qui va vouloir s 'occuper de toi . Pour certains et un bon nombre même ont été et sont scolarisés et sont sortis et sortent de l'école sans même savoir écrire simplement leur prénom. Je suis voyageuse et je sais de quoi je parle. Des témoignages vécus , je pourrais en écrire des livres. Je suis toujours sur la route et je vois énormément de choses. Voyageurs, nous sommes bien Français depuis plusieurs générations. Certains ont du mal à le croire . Je suis ouvrière agricole comme beaucoup de voyageurs qui travaillent avec nous à la récolte des fruits , ,des légumes , du champagne eh oui! Si il n y a pas de mains pour ramasser rien ne serait dans les cocotte et sur les tables. Et sur les marchés , nous sommes présents, des voyageurs ne disent pas qu'ils le sont beaucoup ont été jetés pour avoir dit qu'ils étaient voyageur Je voudrais dire juste une dernière choix , nous sommes des êtres humains traités souvent pire que des chiens. La jalousie rend méchant Je ne fais pas ça différences entre les voyageurs et les gadje j'ai été élevée et j 'ai appris à respecter. L 'école que j ai trouvé la meilleure c est le coeur de mes parents. Depuis quelques années, j 'ai eu la chance de rencontrer une personne et quelques mois plus tardive un groupe de personnes qui m 'ont permis d 'améliorer mon orthographe Le fond de la classe , je le connaissais par coeur comme beaucoup d 'entre nous. J 'avais un combat à mener pour ma maman qui avait beaucoup de mal à marcher suite à une grave brûlure aux jambes. Je peux vous dire que ma bataille était un calvaire. J Ai eu la chance d 'apprendre , je n'ai pas fais d 'études , j 'en rêvais pourtant.

j'ai lu votre désarrois moi je suis une gadji, mais j'ai eu la chance d'être recueillie par les voyageurs pendant mon enfance et cela à duré 4 ans mon premier camps de voyageur Beaucaire ... juste des toilettes et de l'eau et le Rhône et aussi le marché après que les vendeurs aient tout vendu mon frère et moi attendions qu'il jettent leur surplus pour pas dire les déchets pour qu'on puisse les ramasser... je ne considère pas cela comme une misère mais comme une force car aujourd'hui j'ai une maison un emploi et une vie difficile mais une vie quand même alors courage les gitans si vous voulez plus de détails je reste à votre disposition vous êtes un peu ma famille et cela pour toujours....

Dire le mots camps et une insulte pour nous , les camps c,est la ou ils ont mis nos grand parents pendants la guerre ...!!!