Compagnons du collectif

Découvrir une autre organisation du travail à travers plusieurs structures, tel est l’objectif du compagnonnage mis en place depuis 1997 par le Réseau d’échanges et de Pratiques Alternatives et Solidaires (REPAS). Durant plusieurs mois, les compagnons expérimentent la vie en groupe et l’autogestion collective.

Chaque année, le Réseau REPAS propose une formation originale sous forme de compagnonnage à des personnes désireuses de travailler hors du cadre d’entreprises classiques. Durant cinq mois, une vingtaine de compagnons découvrent de nouveaux rapports au collectif et au travail au sein de plusieurs structures du réseau : des SCOP (Sociétés coopératives et participatives), des associations autogérées, des groupements agricoles, etc. à la différence des compagnons du devoir, ceux du réseau REPAS ne sont pas là pour apprendre un métier, mais pour se former à des modèles économiques alternatifs, basés sur la coopération. 

Cette année, ils sont 23 inscrits, 16 filles et 7 garçons, entre 20 et 40 ans. « Il n’y a pas de profil particulier. Mais tous ont en commun d’être en recherche personnelle par rapport au système, avec une volonté de vivre et de travailler autrement », indique Edwige Roche, du réseau REPAS. De février à juin, les compagnons alternent entre immersion individuelle dans les structures et « groupes-actions » au cours desquels ils réalisent un projet collectif. Trois regroupements sont aussi organisés, qui réunissent l’ensemble des compagnons et les référents de chaque structure accueillante (le comité de pilotage). Ces moments permettent à chacun de définir ce qu’ils attendent du compagnonnage, de répartir les compagnons dans les différentes entreprises et associations et de jeter des bases de réflexions autour de l’autogestion. Le dernier regroupement est également l’occasion pour les compagnons de présenter leurs réponses à des questions de société sur lesquelles ils ont choisi de travailler. Cette année, certains planchent sur la ruralité et la séparation faite entre néoruraux et autochtones, d’autres sur les questions de genre, ou encore sur le travail … 

Un cheminement personnel

C’est lors d’un groupe-action au sein de la Batailleuse, une ferme pédagogique établie dans le Doubs, que nous rencontrons cinq des sept compagnons qui travaillent ici durant cinq semaines. Après avoir passé chacun plusieurs semaines en immersion et en groupe-action, ils ont choisi de poursuivre l’aventure sous la forme d’un autre groupe-action. à la Batailleuse, le petit groupe s’est fixé comme objectif de « réaménager l’entrée de la ferme pour en faire un lieu accueillant et qui exprime le projet et les activités de l’association, tout en améliorant l’outil de travail ». Ils bénéficient pour cela d’un suivi technique, « mais doivent assurer eux-mêmes l’organisation de leur travail, la répartition des tâches et la gestion de leur vie quotidienne ». Au-delà du projet, c’est surtout l’occasion d’expérimenter le travail autogéré. « On vient chercher du collectif », résume Lucile.

Pour la plupart d’entre eux, ce compagnonnage est surtout un « cheminement personnel » qui soulève beaucoup d'interrogations. « Quelle est la place qu’on occupe dans un groupe, ou que l’on voudrait occuper, sont des questions récurrentes », explique Elsa. « Se former à une culture coopérative, découvrir ce qui sous-tend la vie en groupe sont des catalyseurs de remises en question », confirme Nicolas. Certes, cinq mois passent très vite. Mais « on a le temps d’aborder de nombreuses questions », estiment les compagnons. Et rien n’empêche ceux qui le souhaitent de prolonger l’expérience avec un compagnonnage « à la carte », en rendant visite à des structures qui les intéressent plus spécifiquement.

Depuis les débuts du compagnonnage alternatif et solidaire en 1997, environ 350 compagnons sont passés par cette formation. Certains ont intégré l’une des structures du réseau, d’autres ont créé leur propre collectif, d’autres encore ont repris des formations... Le compagnonnage du réseau REPAS n’est ni diplômant ni qualifiant. Mais il offre une expérience enrichissante, ouvre des portes au sein de ces structures ou permet à certains de rencontrer de futurs partenaires professionnels.

Sonia


Une formation en partie autofinancée

L’autogestion, c’est aussi trouver des financements. La formation coûte environ 4000€ par compagnon. La région Rhône Alpes et la région Limousin lui allouent environ 1700€ qui permettent de rémunérer le travail de secrétariat et les frais de déplacement des formateurs. Le reste est à la charge des compagnons. Chacun paye au minimum 400€ et peut participer à la collecte de fonds en montant des dossiers financiers, en faisant des chantiers participatifs, etc.

En photo : le groupe-action 2014 de la ferme de la Batailleuse

Pour en savoir plus : http://www.reseaurepas.free.fr/repas-compagnonnage.html


Cet article a été publié dans Lutopik numéro 4. Ce magazine papier fonctionne sans publicité ni subvention et ne peut continuer d'exister que grace à ses lecteurs. Si vous appréciez Lutopik, vous pouvez vous abonner, commander un exemplaire (rendez-vous ici) ou nous faire un don.