Fermeture du 115 à Clermont-Ferrand : 350 personnes encore en situation de précarité

lutorond.gifÀ Clermont-Ferrand, comme dans d'autres villes de France, l’Etat a de nouveau démontré son manque de volonté en matière de logement des plus démunis. La veille de la rentrée scolaire, environ 350 personnes avec une majorité d'enfants se sont retrouvées à devoir occuper une place en plein centre-ville suite à la fermeture du 115 alors en difficultés financières, avant d'être relogés au compte-gouttes dans des foyers, hôtels et résidences étudiantes. Quelques jours après, ces nombreuses familles et personnes isolées sont encore dans l'attente d'un logement pérenne. Rappel des faits.

Vendredi 30 août 2013. Des demandeurs et déboutés d'asile, essentiellement des Kosovars, des Arméniens, des ressortissants d'Afrique ainsi que des Français en situation de précarité, des mères célibataires ou victimes de violence apprennent qu'ils doivent quitter le lundi suivant les hôtels dans lesquels ils dormaient. Certains depuis plusieurs années. D'autres après avoir été ballotés d'un hôtel à un autre un nombre incalculable de fois.

L'association chargée du 115 au bord de la faillite

Pour cause : l'Anef, l'association chargée de la gestion du 115 dans le Puy-de-Dôme, numéro d'urgence dédié aux sans-abri, ne peut plus assumer le coût faramineux des chambres d'hôtels dans lesquelles les sans-abri sont hébergés en urgence, face à l'insuffisance des aides perçues par l'Etat. En quasi-faillite, l'association n'a eu d'autre choix que de cesser toute avance à l'Etat. « Rien que pour 2013, sur les plus de 2 millions d'euros que l'Etat nous doit, il nous a remboursé 300 000 euros maximum », ajoute l'association, signataire d'une convention avec l'Etat et le Conseil Général du Puy-de-Dôme. En plus de l'hébergement d'urgence, l'association emploie plus de cent personnes et gère une quinzaine de structures consacrées à la protection de l'enfance et à l'insertion sociale et professionnelle dans le département.

Sous l'impulsion de plusieurs associations de défense des droits de l'homme, la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), la Cimade, œuvrant pour le droit des migrants et réfugiés, ainsi que le Réseau Education Sans Frontières, les expulsés se sont retrouvés sur le parvis de l'église Saint-Pierre des Minimes après avoir passé une nuit dans cette dernière.

Des propositions d'hébergement d'urgence précaires

Distribution-des-repas.gifAlors que la Préfecture évoque dans un communiqué de presse « un retour rapide à la normale », c’est dans un gymnase, dont les entrées sont gérées par la Croix Rouge, que les familles sont relogées comme s'il s'agissait d'une « catastrophe naturelle », fait remarquer l'avocat Me Jean-Louis Borie, qui a soutenu les familles. « On  nous a promis qu'on sera relogé après une nuit au gymnase », explique Erduan, l'ainé d'une famille kosovare de cinq enfants. Au bout de quatre nuits passées sur des lits de camp, sa famille s’est vue proposer « deux chambres à partager avec une autre famille dans un foyer, raconte Me Jean-Louis Borie. Vous vous rendez compte ? Onze enfants dans une chambre et les parents dans l’autre avec un couple… » L'avocat Jean-Louis Borie saisit alors la justice pour faire valoir les droits de vingt-quatre familles. Dix-sept d'entre elles obtiennent gain de cause au Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand et sont relogées par la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) dans des foyers et hôtels pour une durée indéterminée. « Leur cas est emblématique. Une trentaine d'autres familles a par la suite été logée à la même enseigne, explique Marie-Luce Pouchard, membre de la Ligue des Droits de l'Homme, les célibataires, eux, sont restés sur le carreau, on leur propose des bungalows qui dans la réalité sont des cabanes de chantier sans un minimum de confort. »

Environ deux semaines après leur expulsion, c'est dans une résidence étudiante laissée vacante pendant plusieurs mois et transformée en hébergement d'urgence pour une durée indéterminée que les 90 personnes campant encore au gymnase ont été transférées. « C'est tout ce qu'on a trouvé pour le moment », se justifie le cabinet du préfet. « On a dû fournir nous-même du mobilier et des couvertures ! », déplore François du Réseau Education Sans Frontières (RESF). Sur les 352 mal logés récemment expulsés après la fermeture du 115, une trentaine de personnes isolées seraient encore à la rue, selon RESF.

Une mobilisation constante malgré les pressions externes

Première-nuit-à-l'église.gifDans le campement qui de jour en jour se transforme en un petit « village », la mobilisation continue de s'activer  et la solidarité bat son plein malgré la présence policière alentour : une cuisine est quotidiennement alimentée par des associations et des particuliers, un point santé tourne grâce à l'aide de deux médecins sympathisants, une douche est bricolée de toute pièce par des jeunes du squat clermontois « l'Hôtel des vil-e-s », les « habitants » peuvent même venir chiner dans une friperie pendant que d'autres procèdent aux dernières retouches d'une lettre ouverte adressée aux ministères du Logement et de l'Intérieur pour la réquisition de logements vides... Pour décider de la suite des événements, des Assemblées Générales se tiennent régulièrement. Durant l'une d'entre elles et à l'approche de la fête de l'égalité qui se déroulera ici même, la question n'est plus de savoir s'il faut évacuer ou non le campement mais comment car depuis deux ou trois jours, les forces de l'ordre se font de plus en plus visibles et la tension devient palpable. « Il faut savoir renoncer à une guerre pour en gagner une autre derrière », estimait alors Philippe Bonnet, porte-parole de la CGT. Pendant que les dernières personnes plient bagage, une poignée de militants encore dans le campement terminent le démantèlement des barnums prêtés par la CGT. La veille de la fête de l'égalité, neuf camions de CRS déboulent et les délogent. Parmi eux, Robin, membre du Droit Au Logement (DAL), raconte : « On terminait de débarrasser les dernières affaires quand des flics sont arrivés pour un contrôle d'identité. Très rapidement, les CRS ont suivi et ont utilisé la force pour nous évacuer. »

Aujourd'hui, la Ligue des Droits de l'Homme assure « rester vigilante sur les conditions de relogement des personnes ». En parallèle au réseau associatif de la région, un collectif d'une dizaine de militants vient de se constituer pour suivre la situation de plus près. « On prévoit des formations en interne sur les droits des sans-papiers et des demandeurs d'asile » en terme de logement notamment, explique l'un des membres, pour précise-t-il « pouvoir mieux les soutenir car leur situation est encore instable et on n'a pas tous les outils pour les aider à vraiment s'installer. »

Nabila El Hadad