Rendez-vous manqués avec l’éducation populaire

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Malgré quelques tentatives, l’éducation populaire n’est jamais vraiment parvenue à trouver sa place. Pendant la Révolution française, Condorcet considérait que l'instruction ne devait pas « abandonner les individus au moment où ils sortent des écoles », mais « embrasser le système tout entier des connaissances humaines et assurer aux hommes, dans tous les âges de la vie, la facilité de conserver leurs connaissances et d'en acquérir de nouvelles ». Après notre article "panser l'éducation populaire", voici une brève histoire de l'éduc pop.

L’idéal d’une éducation permanente se heurte après la Révolution française aux catholiques et aux conservateurs, inquiets de la diffusion des idées des Lumières et de la montée du socialisme. L’Église bataille pour conserver son influence sur l’instruction et la loi Falloux de 1850 renforce son contrôle. Des cours de morale et de religion font leur apparition à l’école.

En réaction, Jean Macé crée la Ligue de l’enseignement en 1866 qui promeut une éducation laïque. Le mouvement connait un certain succès, son réseau de bibliothèques, ses cours publics, les sociétés ouvrières d’instruction et les centres d’enseignement pour les jeunes filles sont considérés comme une des premières expériences d’éducation populaire.

Succède à cette tendance laïque et républicaine, le courant ouvrier de l’éducation populaire. À la fin du 19ème siècle, la légalisation des syndicats et l’influence de l’anarcho-syndicalisme conduisent à la création des Bourses du travail, lieux de rassemblements et des cours du soir. Pour Fernand Pelloutier, une des figures anarchistes, ce qu’il manque à l’ouvrier « c’est la science de son malheur », il faut donc « instruire pour révolter ».
C’est au moment de l’affaire Dreyfus, quand la France est coupée en deux et que le climat social est délétère que Georges Deherme, ouvrier typographe libertaire, fonde avec d’autres la première université populaire, la Coopération des idées en 1899. Il s’associe avec la bourgeoisie libérale pour organiser des rencontres entre ouvriers et intellectuels. D’autres universités populaires de diverses tendances se montent dans la foulée un peu partout en France. Geneviève Poujol en comptera 222 entre 1899 et 1914.

Parallèlement, la tendance chrétienne humaniste s’organise autour du Sillon, une revue lancée par Marc Sangnier qui deviendra un vaste mouvement politique.  Avec les « cercles d’études catholiques », il vise à réconcilier les ouvriers avec le christianisme. Il est désavoué par le pape qui le trouve trop politique.
Les laïcs et les catholiques créèrent chacun leur mouvement destiné aux jeunes, éclaireurs et scouts en 1911 et 1920 et ils ont chacun leur réseau d’Auberges de jeunesse. Comme avec l’organisation de l’instruction officielle, l’éducation populaire est devenue un enjeu de lutte.

L’élection du Front populaire en 1936 et la grève générale qui s’en suivit donnent un peu de temps libre aux travailleurs, qui bénéficient désormais de la semaine à 40 heures et de 15 jours de congé payé. La scolarité devient obligatoire jusqu’à l’âge de 14 ans. Quand Léo Lagrange devient sous-secrétaire d'État, sa mission était de développer les loisirs sportifs, culturels et touristiques. Les auberges de jeunesse et les colonies de vacances sont encouragées, les Céméas et les CLAJ sont créés. Pour la première fois, un gouvernement se soucie vraiment d’éducation populaire.

Vichy s’en occupe à sa triste manière et la réduit aux trois mots : travail, famille, patrie. Dans les rangs de la Résistance, on est en train de penser l’éducation populaire comme une mission de service public. Le plan Langevin-Wallon qui fixe le programme éducatif du Conseil national de la Résistance indique que « l'éducation populaire n'est pas seulement l'éducation pour tous, c’est la possibilité pour tous de poursuivre au-delà de l'école et durant toute leur existence le développement de leur culture intellectuelle, esthétique, professionnelle, civique et morale ». En 1948, le projet est sabordé par les communistes qui voyaient son contrôle lui échapper. Depuis, l’éducation populaire est confiée au ministère de la Jeunesse et des Sports.

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Cet article est tiré du dossier "Pour une école émancipatrice", paru dans le magazine papier numéro 3 sorti en mars 2014. Pour commander ce numéro, c'est ici

 

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