Le revenu de base, une mesure pour réduire les inégalités ?
Tout travail mérite salaire, dit-on. Mais tout salaire doit-il être rattaché à un travail ? L’existence même ne justifie-t-elle pas le droit à un revenu qui permette d’assurer ses besoins essentiels ? C’est ce que défendent les partisans d’un revenu de base, un revenu qui serait versé à tous sans conditions de ressources ni contrepartie. Au-delà du débat de chiffres sur son financement, cette proposition interroge sur notre rapport au travail et le rôle de chacun dans la société.
Imaginez une société dans laquelle il ne serait plus obligatoire de travailler pour avoir accès aux biens et aux ressources minimales vitales : de la nourriture, un toit et des soins. Une société dans laquelle le chômage ne serait plus un problème, et le travail plus une contrainte. Pure utopie ? Non, répondent quelques économistes qui défendent le revenu de base, aussi appelé revenu de citoyenneté ou revenu universel. Versé de la naissance à la mort, sans aucune condition ni contrepartie et cumulable avec d’autres revenus, il permettrait à chacun de subvenir à ses principaux besoins sans avoir à exercer une activité salariée.
Baptiste Mylondo fait partie de ces économistes. Selon lui, un revenu de base permettrait en premier lieu d’abolir la « valeur travail ». Il définit cette dernière comme le résultat de deux processus : l’asservissement de l’homme par le travail, né de l’encouragement à la surproduction et à la surconsommation, et sa sacralisation. Le travail est désormais un devoir moral, économique et sociabilisant, quitte à ce qu’il n’ait plus de sens. Il sert à gagner sa vie plutôt qu’à remplir une mission utile ou intéressante. Avec le revenu de citoyenneté, « c’est une société du temps de travail choisi qui pourrait se dessiner. Une société, en somme, dans laquelle le ‘’travailler plus pour gagner plus’’ auquel certains semblent aspirer aujourd’hui, n’occulterait pas pour autant un plus sobre ‘’consommer moins pour travailler moins’’ ».
Redonner du sens au travail
Sur un plan philosophique, il redonnerait de la valeur au temps libre et aux activités non marchandes. Si l’on n’était pas obligé de travailler chaque jour pour se nourrir, il est fort à parier que beaucoup d’entre nous s’investiraient dans différentes activités utiles pour la société : s’occuper de parents grabataires, jardiner, se cultiver, jouer de la musique, faire des travaux ou s’impliquer dans une association par exemple. L’instauration d’un revenu déconnecté du travail reconnaîtrait « la valeur intrinsèque de chaque individu et son apport à la communauté politique qui l’abrite », résume Baptiste Mylondo. Un revenu de base encouragerait ainsi les gens à faire un travail qui leur plaît, à réaliser leurs rêves, à se lancer dans des activités, professionnelles ou non, qu’ils n’oseraient pas tenter s’ils doivent passer 8 heures par journée au bureau ou à l’usine pour se payer un toit.
Instaurer un revenu de base conduirait à un bouleversement important du monde du travail, à commencer par la revalorisation financière des métiers les plus pénibles. En effet, il est probable que les boulots les plus ingrats soient en partie désertés par ceux qui les occupaient, provoquant une pénurie de main-d’œuvre donc la nécessité d’augmenter les salaires pour les rendre plus attrayants. Un revenu de base permettrait également de redistribuer le travail puisque ceux qui souhaiteraient travailler moins pourraient le faire sans mettre en péril leur train de vie, et laisser la place à ceux qui souhaitent travailler ou travailler plus. Il réduirait aussi les inégalités liées aux ressources telles que l’accès à la culture, la dépendance économique des femmes et des personnes âgées, etc. Pour accentuer ce mouvement, les défenseurs d’un revenu de base militent généralement pour une refonte profonde du système économique et social, qui passe par l’instauration d’un revenu maximum, le développement de l’autoproduction et de la réappropriation des moyens de production, une extension du champ de la gratuité, etc. « Le revenu de base peut nouer un nouveau pacte social », résume Stanislas Jourdan, coordinateur pour la France de l’initiative européenne pour un revenu de base.
Financer le revenu de base
Bien sûr, pour que le revenu de base ait les effets escomptés (abolition de la valeur travail, redistribution du travail, éradication de l’extrême pauvreté, etc.), son montant doit être « suffisant » pour se passer durablement de travail. On est donc loin de la proposition libérale de certains partis de droite, qui proposent, à l’instar de Christine Boutin, un versement mensuel de 400€ pour chaque adulte. Son objectif n’est d’ailleurs pas de réduire les inégalités, mais d’en finir avec les lourdeurs administratives en substituant à différentes allocations ce revenu unique. Avec un montant si faible, en dessous même du RSA, l’effet sur les salaires risque d’aller dans le sens contraire : les gens seront toujours obligés de travailler pour s’assurer un train de vie décent, et les patrons risquent de baisser les salaires arguant que l’État donne déjà de l’argent à leurs employés. À l’inverse, un revenu de citoyenneté trop élevé mettrait en péril le financement de cette mesure, puisque les taux d’imposition augmenteraient drastiquement alors que dans le même temps l’incitation à travailler, donc le pourcentage de personnes conservant un travail rémunéré et étant imposables serait réduit.
Côté financement, cette mesure est tout à fait réalisable, estiment certains économistes. Baptiste Mylondo a procédé à plusieurs calculs, suivant le montant du revenu de citoyenneté que l’on souhaiterait instaurer. « Qu’il soit fixé à 460, 750 ou 1050 euros par mois, son financement ne nécessite qu’une refonte de notre système de protection sociale et un renforcement du rôle de l’impôt dans la répartition des richesses », affirme-t-il. Par exemple, en fixant le revenu de citoyenneté à 750 euros mensuels, il pourrait être financé grâce à la redistribution d’allocations devenues inutiles (principalement RSA, allocation de solidarité, préretraites, allocations familiales, aides au logement) associée aux transferts des budgets liés aux politiques d’emploi et à une hausse de la CSG de 35 points. Pour un revenu fixé à 1050 euros, les transferts de budget augmentent et la redistribution s’élargit à d’autres allocations. Des économies de fonctionnement de la machinerie administrative sont également envisageables, puisqu’il devient inutile d’employer des gens à traquer les fraudeurs, vérifier qui est éligible à une allocation ou non, traiter les dossiers, etc.
Critiques du revenu de base
Pourtant, malgré ses atouts, le revenu de base ne fait pas l’unanimité, même parmi les économistes tendance altermondialiste. Pour Michel Husson, économiste et membre d’Attac, les modalités de financement, et notamment de redistribution, proposées par les partisans du revenu de base ne sont pas assez précises et mettent en danger l’égalité devant l’accès aux soins en ponctionnant dans le budget de la sécurité sociale. Le revenu de base déplaît aussi à ceux qui considèrent qu’il y a un devoir de travailler au nom de la participation de chacun à la société. Selon Jean-Marie Harribey, ancien co-président d’Attac France et membre des Economistes Attérés, « tout revenu provient d’un travail, même si les théoriciens du revenu de base tentent de nous faire croire le contraire. Il y aura donc une partie de la population qui travaillera pour que l’autre partie en profite », dénonce-t-il. Cette critique pose la question de la validation sociale des activités décidées individuellement de façon autonome, c’est-à-dire de la reconnaissance du caractère utile de telle ou telle activité, « car on ne peut considérer a priori que ‘’n’importe quelle activité’’ réponde à cette condition, contrairement à ce que semblent croire les défenseurs du revenu de base », estime-t-il.
Jean-Marie Harribey rejoint également Michel Husson sur l’aspect palliatif du revenu de base : cette idée « prend pour acquises l’impossibilité du plein emploi et la dégradation des conditions de travail ». Or, selon Michel Husson, « mieux vaut défendre le droit à la santé que de militer pour un revenu individuel qui ne peut assurer une véritable protection sociale. Mieux vaut construire des logements sociaux que verser une allocation. Mieux vaut lutter pour une réduction du temps de travail et contre la pénibilité, etc. », écrit-il dans un article publié par la revue politique À l’encontre. Enfin, une autre critique possible est que le revenu de base s’inscrit lui aussi dans un système de marchandisation des biens et des services. En finançant l’accès aux ressources vitales pour tous, le revenu de base reconnaît qu’il s’agit d’un droit universel, mais d'un droit qui s’achète.
Au final, si le revenu de base n’est pas la panacée, il a le mérite de proposer une solution pour cesser de faire du travail une condition sine qua non à l’existence. En offrant la possibilité de « ne plus perdre sa vie à la gagner », le revenu de base permettrait à chacun de quitter des boulots strictement alimentaires et de disposer de temps pour s’investir dans des activités choisies, tout en laissant le choix à ceux qui veulent gagner plus d’exercer une activité salariée.
Une idée qui fait débat en Europe
Si en France le débat sur le revenu de base n’en est qu’à ses balbutiements, d’autres pays d’Europe sont plus avancés sur la question. Un film germano-suisse de 2008 a notamment popularisé le concept dans ces deux pays. En Suisse, une l’initiative populaire pour l’instauration d’un revenu de base a recueilli plus de 100.000 signatures cette année. Conséquence, le pays proposera un référendum d’ici trois à quatre années pour inscrire le revenu de base dans la Constitution helvétique. Le montant du revenu n’est pas précisé dans le texte, mais ses porteurs évoquent un revenu mensuel de 2.500 francs suisses pour chaque adulte, soit environ 60% du revenu médian suisse, et 625 F pour les mineurs. En Allemagne, la question est défendue depuis plusieurs années par les Verts et le Parti Pirate, qui ont su médiatiser cette proposition et la faire discuter à l’échelle nationale. Côté Union européenne, une première campagne de signatures a été lancée en 2012, « pour ouvrir un vrai débat européen », explique Stanislas Jourdan, coordinateur en France de l’initiative européenne pour un revenu de base. « L’objectif est de demander à l’Europe d’examiner cette question et de mener des expérimentations ». Pour l’heure, plus de 100.000 signatures sur le million nécessaire ont été récoltées, dont 15.000 en France. La campagne s’arrêtera début 2014, il est donc peu probable que la pétition récolte le nombre de signatures nécessaire pour être déposée auprès de la Commission européenne. Cependant, « cette initiative est la première du genre. Elle a le mérite de déclencher un mouvement et de fédérer les différentes organisations sur cette question », estime Stanislas Jourdan.
Sonia
Commentaires
Encore un délire de
Cela parait évident que si tu
M.Patisson le revenu de base
l'argent c est la compétition
Sur un marché d'Ariège en
De l'argumentation, un sens
Le revenu de base, c'est le
revenu de base
Tu as certainement fumé la moquette?
revenu de base,monnaie locale complementaire
ben perso ce dimanche 25 je