Delphine et Philippe, paysans sans subventions

Vivre de l’agriculture sans toucher de subventions, c’est possible et en plus cela apporte des avantages ! Delphine et Philippe Perrot le prouvent depuis plus de 35 ans. Installés à Taconnay, dans la Nièvre, ils élèvent vaches, poules et chèvres de façon beaucoup plus autonome que s’ils percevaient des aides.

L’histoire commence en 1977 lorsque Philippe Perrot trouve une ferme à louer au lieu-dit Domaine de Mazot. Il demande alors une aide à l’installation auprès du Crédit Agricole, mais ses 10 hectares sont insuffisants pour y prétendre. Il démarre donc son activité avec ses seuls deniers et quelques chèvres. Avec le recul, il estime que « c’était la chance de ma vie de ne pas avoir de prime. Sinon, aujourd’hui je serais comme les copains, pieds et poings liés ». Désormais, c’est par choix qu’il se passe des aides agricoles. Libre d’utiliser ses terres comme il l’entend, il développe, avec sa compagne Delphine, une agriculture diversifiée, biologique et de proximité, le tout en étant affranchi des contraintes liées aux subventions.

En ne demandant pas les aides de la PAC, les Perrot n’ont pas de quotas à respecter, et font ce qu’ils veulent de leurs terrains. Pour « ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier », la ferme, qui s’étend désormais sur 54 ha, dont 47 en location, accueille une quinzaine de vaches, autant de chèvres, des poules, des chevaux, des lapins et des moutons. Quatre hectares sont dédiés à la culture de céréales pour l’alimentation des animaux. Cette diversification des activités est « dans l’esprit des fermes d’autrefois ». Bien sûr, cette indépendance n’est possible « que si on n’investit pas énormément dans du matériel ou des terres », précise Delphine. La ferme garde donc une taille raisonnable, suffisante pour faire vivre le couple et ses trois enfants. Et puis le temps gagné à ne pas remplir de paperasse leur permet de se consacrer à leurs passions, le dessin pour Delphine et l’écriture pour Philippe.

Le refus des aides est aussi une posture idéologique. « L’agriculture est l’unique secteur où les produits sont régulièrement achetés aux agriculteurs en dessous de leur coût de production.  Avec les aides dites compensatoires, on a institutionnalisé cet état de fait. Ainsi on ne peut plus vivre du fruit de notre travail », dénonce Philippe Perrot. Sans vouloir se poser en modèle, le couple démontre pourtant qu’il possible de se passer des aides agricoles tout en vivant de ce métier. Les Perrot vendent leurs produits (fromage, lait, œufs, viande) directement à la ferme ou sur les marchés, sans passer par des intermédiaires. Ils peuvent ainsi proposer des produits de qualité à des tarifs « accessibles à tout le monde » et plus rémunérateurs pour eux.

Désobéissance légitime

En fonctionnant sans aides, le couple n’a pas voulu se singulariser, mais travailler comme il le souhaitait. « Aujourd’hui, dans tous les domaines, y compris agricole, on nous dicte des normes industrielles. Si l’on ne veut pas être des industriels, on doit désobéir et faire des choses qui ne sont pas toujours légales, mais qui sont légitimes », explique Philippe Perrot. Il en va par exemple du refus du puçage électronique des animaux. « Personne ne nous dit rien puisqu’on ne touche pas de subventions. On y gagne en liberté, et on évite ainsi de se mettre trop hors-la-loi ».

Mais cette liberté a parfois un prix. Estimant que les prises de sang annuelles obligatoires effectuées par les vétérinaires sur chacune des vaches et des chèvres sont trop onéreuses et n’apportent pas, à leurs yeux, un intérêt pour les éleveurs ou la santé de leurs animaux, le couple a demandé une fois à une amie infirmière d’effectuer elle-même ces prélèvements. Ils voulaient montrer qu’il n’y avait pas forcément besoin d’un vétérinaire diplômé et rémunéré en tant que tel pour faire ce travail, qui conviendrait parfaitement à des infirmiers véto (une profession qui reste à inventer). Ou bien s’il fallait obligatoirement qu’un vétérinaire s’en charge, qu’il fasse en même temps le tour des problèmes rencontrés sur l’élevage au cours de l’année.

Las, la Direction des Services Vétérinaires a porté plainte pour « refus de prophylaxie» bien que les échantillons aient été envoyés au laboratoire qui ne les a pas analysés. Le couple a donc été condamné à une amende, et a dû verser 6.000 francs. Une année plus tard, ils ont touché leur unique subvention, la prime de reconversion en agriculture biologique, d’un montant de… 6.000 francs ! Une rentrée d’argent salvatrice, mais dont les Perrot dénoncent quand même le fonctionnement. « On paye très cher chaque année pour avoir le label Ecocert, qui prouve que l’on fait du bio. Le Conseil Général nous aide mais c’est une dépense de l’argent public mal orientée puisque la collectivité ne fait pas payer ceux qui polluent », rappelle Philippe.

 

Commentaires

Merci pour ce retour d'expériences, il y en a peu sur la toile...Ca donne le moral. En revanche, peut-être n'est-il plus nécessaire de payer pour obtenir la certification, si les consommateurs connaissent les produits et l'engagement des paysans... Comment faire pour arrêter les subventions de la PAC, lorsque que les parcelles sont engagées? dès que les engagements arrivent à échéance, on peut ne pas les renouveler, et ca suffit ?