Le Maroc dans l'attente

Presque trois mois au Maroc, j'y reviendrai c'est sûr. Je n'ai pas assez vu de choses, il y a tant à explorer ici. Ce que je retiens du pays où le soleil se couche, Al-Maghrib, c'est sa diversité. Dans les paysages, les climats, les gens... J'ai vu la mer, l'océan, des plaines et des vallées fertiles, le désert, des palmeraies et les neiges éternelles sur les montagnes de l'Atlas.

Quand j'ai débarqué sur le Rif, j'ai découvert les Berbères. Les premiers habitants du Maroc et de toute l'Afrique du Nord. J'en ai croisé ensuite presque partout. On estime à au moins 40 % le nombre de berbérophones au Maroc. L'importance de ces communautés, qui revendiquent toutes une identité commune, est pour moi la principale découverte de cette première étape du voyage.

Un royaume pluriel

Le Royaume du Maroc est donc pluriel. C'est la monarchie qui unit l'ensemble et met un peu près tout le monde d'accord. Rares sont ceux qui remettent en cause l'institution royale. Mohammed VI est le vingt-troisième monarque de la dynastie alaouite, qui règne sur le Maroc depuis le milieu du XVIIe siècle.

Si le pays n'a pas subi la vague de ce que l'on a appelé le printemps arabe, c'est en grande partie dû à l'attachement des Marocains envers la personne du roi, intouchable et seul vrai ciment de la nation. La maison alaouite a d'ailleurs remarquablement bien joué le coup en proposant une nouvelle constitution juste après les importantes manifestations du 20 février.

Tout le monde vit ou survit

Ce n'est pourtant pas la rage qui manquait, personne n'est satisfait, chacun réclame des évolutions, quelle que soit sa condition. La situation sociale du pays est presque comparable à celle de la Tunisie par exemple. Beaucoup de chômage et peu de débouchés pour les jeunes diplômés. Trouver un emploi reste la principale revendication des personnes qui continuent à manifester chaque vendredi et chaque dimanche.

Mais ce taux élevé de chômage n'empêche pas les gens de travailler. L'économie informelle est très importante au Maroc, la contrebande très répandue. Tout le monde vit ou survit à peu près.

J'ai beaucoup entendu dire qu'il était très difficile de changer le Maroc, très attaché à sa stabilité. Bien sûr, il y a eu quelques guerres et batailles en 500 ans, mais le royaume est resté relativement tranquille pendant tout ce temps. Comparée à d'autres États, l'indépendance a été conquise sans trop de heurts.

Un destin lié au trône

L'opinion générale préfère l'état actuel des choses à l'inconnu. Ce n'est pas parfait, mais la majorité s'en contente. La paix est précieuse. Ce sentiment ne sera peut-être pas suffisant, la situation peut basculer très vite. On sent le Maroc en tension. Le gouvernement islamiste doit maintenant faire ses preuves, malgré les craintes de certains. Quoi qu'il arrive, je pense que le destin du Maroc est lié à celui de la monarchie. La moindre faille ou faux pas de l'institution royal mettrait le pays en péril.

Sans le trône, les revendications berbères prendraient une tournure autonomiste ou même indépendantiste. Le rêve d'un grand pays, Tamazgha, qui unirait l'ensemble du peuple berbère, reste présent dans les esprits. Les jeunes semblent revendiquer de plus en plus leur identité amazighe. Et je ne parle pas du Sahara Occidental. On m'a dit un jour que le Maroc était comme une immense salle d'attente. Chacun espère un avenir radieux, sans trop savoir à quoi s'attendre.

Direction Tunis

J'écris ces lignes à l'aéroport de Casablanca, je quitte ce pays aujourd'hui, en ayant le sentiment de n'avoir pas assez creusé, développé ou même évoqué ici certains sujets. Chaque région est spécifique est mérite une attention particulière. Je décolle tôt ce matin pour Tunis. J'aurais préféré ne pas survoler l'Algérie à 10.000 m d'altitude, mais impossible d'obtenir un visa depuis le Maroc. J'arriverai en Tunisie deux jours avant les célébrations de l'An I de la révolution.