Le GNIS, un groupement tout-puissant

Le Groupement national interprofessionnel des semences est un organisme à la fois professionnel et officiel, placé sous tutelle du ministère de l’Agriculture. Il veille aux intérêts des grosses entreprises du secteur, participe à l’élaboration des lois qui régissent le commerce des graines et surveille leur application. Un triple rôle propice aux conflits d’intérêts.

Créé sous Vichy en 1941, le Groupement national interprofessionnel des semences et des plants (GNIS) est chargé « d’organiser la production et la commercialisation des semences et plants ». En 1962, ses pouvoirs sont élargis avec la création en son sein du SOC, le Service officiel de contrôle. Il a pour mission de contrôler la qualité et de certifier les semences. Il répond à une demande du ministère de l’Agriculture, qui « voulait rendre obligatoire le contrôle des semences par une entité indépendante », explique François Burgaud, directeur des relations extérieures du GNIS.

Une indépendance toute relative

Le choix du GNIS comme « entité indépendante » est surprenant, ce groupement ayant pour objectif de « défendre les intérêts de la filière semences ». Mais François Burgaud ne voit pas le problème et se veut rassurant : « pour plus de garanties, il y a un fonctionnaire détaché à la tête du SOC. De plus, le Conseil d’Administration du GNIS ne donne pas d’instructions au SOC », précise-t-il. La mission de surveillance du GNIS ne s’arrête pas là. L’État a également délégué à l'interprofession la charge de faire respecter la réglementation sur le commerce des semences. Des agents du GNIS sont ainsi commissionnés par la Répression des fraudes pour rechercher et constater les infractions.

Non seulement le GNIS certifie les semences, fait respecter les règles auxquelles sont soumis ses membres, mais il participe aussi à la construction de la législation. Difficile dans ces conditions de ne pas imaginer de conflit d’intérêts… Car il a beau s’en défendre, ce rôle est inscrit dans un article de la loi de 1941 toujours en vigueur : « les propositions du groupement interprofessionnel deviennent obligatoires pour tous les membres des professions intéressées dès qu'elles ont reçu, selon le cas, l'acquiescement du ministre secrétaire d'État à l'Agriculture ou du commissaire du Gouvernement ».

 Le GNIS représente aussi souvent la France lors des rencontres internationales consacrées aux semences. À Bruxelles, le gouvernement français a envoyé en tant qu’experte nationale Isabelle Clément-Nissou, auparavant directrice des relations internationales du GNIS, pour élaborer le projet de loi européen sur le commerce des semences.

Pour justifier le strict encadrement du commerce des semences, François Burgaud explique que « c’est un secteur trop important pour laisser le libre jeu aux marchés. Si toute la récolte de blé française est mauvaise une année, c’est dramatique ». De la grosse multinationale au maraîcher qui vend occasionnellement des plants sur les marchés, tous les acteurs de la filière doivent adhérer au GNIS. Une obligation jugée abusive par de nombreux petits agriculteurs ou semenciers qui estiment qu'une adhésion forcée à un groupement professionnel est contraire à la liberté d’association. Le GNIS, lui, se défausse sur l’État : cette obligation d’inscription « serait scandaleuse si c’était une décision du GNIS. Mais c’est l’État qui l’impose, pour des raisons sanitaires et de surveillance des bonnes pratiques. Et puis ça intéresse la France de savoir ce qui circule sur son territoire », justifie François Burgaud.

Si tout le monde est obligé de prendre sa carte au GNIS, celui-ci ne représente pourtant qu’une petite partie de ses adhérents : les gros semenciers. C’est pour eux qu’est faite la législation, notamment l’obligation d’inscription au catalogue des variétés autorisées à la commercialisation et généralement protégées par des titres de propriété intellectuelle. Alors que de nombreux agriculteurs et petits semenciers demandent un assouplissement des règles pour la commercialisation des semences paysannes, le GNIS se range du côté des entreprises agrochimiques et fait la chasse à ceux qui vendent des variétés non inscrites au catalogue.

Ainsi, au printemps dernier en Ariège, sur le marché de Lavelanet, quatre maraîchers qui proposaient quelques plants à la vente ont été menacés d’une amende de 450 € parce qu’ils ne détenaient pas la carte du GNIS et qu’ils vendaient des plants de variétés non inscrites au catalogue officiel. Grâce à la mobilisation rapide du Réseau Semences Paysannes et de la Confédération paysanne d'Ariège, une manifestation est organisée à Toulouse et l’affaire s’arrête là. Car le GNIS le sait bien, depuis qu’il a intenté un procès à l’association Kokopelli en 2005, la médiatisation de telles affaires lui est toujours défavorable.

Sonia



Les semences en France

La France est le premier producteur européen et le 2ème exportateur mondial. En 2012, le tissu économique se composait de 67 entreprises de sélection, 187 entreprises de production de semences, et 16.729 agriculteurs multiplicateurs selon l’Union française des semenciers. Le chiffre d’affaires du secteur (vente en France et exportations) s’élève à 2.95 milliards d’euros pour 2011/2012.

Le catalogue et ses annexes

Pour figurer au catalogue, une variété subit des tests de Distinction, d'Homogénéité et de Stabilité (DHS). Les plantes de grandes cultures doivent aussi être plus performantes que les variétés existantes (tests VAT pour Valeur agronomique et technologique). Ces critères ne permettent pas l'inscription de variétés paysannes, trop hétérogènes et instables (ce qui fait leur qualité). Le catalogue national comporte 6.500 variétés, essentiellement des hybrides F1. Deux annexes figurent au catalogue : les variétés de conservation et les variétés sans valeur intrinsèque. Elles ont été créées pour assouplir les critères d'inscription, mais elles ne répondent pas à la spécificité des semences paysannes et ne s'adressent qu'aux jardiniers.  S'il y a une tolérance de 10 % sur l'homogénéité, rien ne change pour la stabilité. Les variétés inscrites sur l'annexe C se comptent sur les doigts d'une main. Quant à celles de la liste D, un poids net maximal est fixé, par exemple de deux grammes pour les tomates, ce qui rend leur vente aux professionnels quasi impossible. De plus, leur maintien au catalogue est coûteux. 


Cet article est tiré du dossier "Menaces sur les semences paysannes", paru dans le magazine papier numéro 2 qui est sorti de presse début décembre. Pour le commander c'est ici,

Sommaire de notre dossier :

Introduction : Les paysans dépossédés de leurs graines 

Législation :  Une réglementation floue

                            Le GNIS, un groupement tout puissant

                            Brevets et COV, deux outils d'appropriation du vivant

Potagères : Faire ses semences, un savoir oublié des paysans

                         Sur les traces de l'oignon de Tarassac

                         Les Croqueurs de Carottes : le goût retrouvé

Céréales : L'INRA conserve des grains et invente les blés de demain

                       Des céréales en montagne

                       Blés en mélange

En pratique : Faites vos graines


Ce magazine papier fonctionne sans publicité ni subvention et ne peut continuer d'exister que grâce à ses lecteurs. Si vous appréciez Lutopik, vous pouvez vous abonner, commander un exemplaire (rendez-vous ici) ou nous faire un don.


 

Commentaires

Sacré paradoxe de taper sur les semenciers français pour finir par expliquer que la France est le premier exportateur mondial... Ça n'a sûrement aucun rapport, c'est vrai. Article orienté pour défendre ceux qui ne respectent pas la loi, occupent des locaux privés jusqu'à minuit en pleine semaine pour bafouer tranquillement les principes de la République, et pour descendre ceux qui s'en sortent. Beau journalisme.

Je crois que vous faites l'amalgame entre semences de potagers, semences d'espèces d'intérêt secondaires et semences de grandes cultures. Le commerce de semences, même s'il est à priori interdit existe: Dans un domaine que je connais bien , les plantes fourragères il représente 30 % du marché et ce n'est pas ce que vous nommez des semences paysannes mais bien des variétés sectionnées : créer de nouvelles variétés représente de 15 à 20 ans de travail. Et ce marché est connu du GNIS, le méchant flic de la profession . D'autre vendeurs peu scrupuleux achètent et revendent des semences d'importations de mauvaises qualités et souvent non adaptées à notre climat sans que le GNIS ne puisse l'empêcher . Les variétés sont pas toutes des hybrides ! en grande culture le maïs, le tournesol , et une part du colza . Dans les cultures potagères : oui il y en a mais on trouve toujours des anciennes variétés ! Si vous ne voulez pas d'hybrides , libre à vous . Sachez que les agriculteurs ont eu le choix , et si les hybrides se sont imposés c'est par leur qualité lié à cette fameuse vigueur hybride( qui est une découverte de l'INRA il y a une cinquantaine d'années. En effet , j'ai un jardin et même si je ne suis pas un pro du dernier cri, j'ai très bien noté la différence de résistances aux maladies de certains hybride comparé à des variétés anciennes . Le gout de ces variétés est encore à travailler mais je suis que les sélectionneurs y travaillent . Je vais arrêter là mais j'ai encore plein de choses à dire sur le sujet. Mais parler de Pétain avec le GNIS est une approche très aggressive qui ne font que convaincre les absolutistes , je ne suis pas sur que tous vos lecteurs ont le recul nécessaire pour connaitre tout de ce sujet . La peur Monsanto a mis tous le monde dans un même sac. êtes-vous (vous les lecteurs) de ne pas être le prédateur de quelqu'un par votre activité professionnelle, ce que vous consommez ( alimentaires et non alimentaires) ...

vous écrivez :Le gout de ces variétés est encore à travailler " on avait remarqué Vous écrivez ensuite;mais je suis que les sélectionneurs y travaillent . on est rassuré